L'e-sport, moteur du tourisme geek dans les grandes villes ?

L'e-sport, moteur du tourisme geek dans les grandes villes ?

Voici les points clés à retenir sur l'essor de l'e-sport comme levier d'attractivité touristique pour les grandes villes :

• L'e-sport connaît une croissance fulgurante, avec des tournois qui attirent des millions de spectateurs
• Les grandes villes y voient une opportunité pour attirer une nouvelle clientèle de "touristes geeks"
• Accueillir un événement e-sport permet de dynamiser l'économie locale et de promouvoir l'image de la ville
• Cela implique de développer des infrastructures dédiées : arenas, gaming houses, espaces de conventions...
• Mais aussi de créer un écosystème favorable : formations, incubateurs de start-ups, politiques de soutien...
• De Paris à Lyon en passant par Lille et Montpellier, les métropoles françaises se positionnent sur ce créneau porteur
• L'enjeu est de faire de l'e-sport un pilier de leur stratégie de marketing territorial et de rayonnement international

Bienvenue dans le monde merveilleux du tourisme geek ! Si vous pensiez que les gamers étaient une espèce casanière, accrochée à leur écran, détrompez-vous. Avec l'explosion de l'e-sport, ces nouveaux athlètes et leurs fans n'hésitent plus à traverser le monde pour participer à des compétitions d'envergure. Un phénomène qui n'a pas échappé aux grandes villes, bien décidées à surfer sur cette vague pour doper leur attractivité. Zoom sur une tendance qui va bouleverser notre façon de voyager.

L'irrésistible ascension de l'e-sport

Mais d'abord, petite session de rattrapage pour ceux qui auraient raté une étape. L'e-sport, ou sport électronique, désigne la pratique compétitive des jeux vidéo, en ligne ou lors d'événements dédiés. Un secteur en plein boom depuis quelques années, porté par plusieurs facteurs :

• La démocratisation du jeu vidéo, notamment sur mobile
• L'amélioration des infrastructures internet et des technologies de streaming
• L'émergence de stars du gaming, à l'image des youtubeurs et influenceurs
• L'intérêt croissant des médias, des sponsors et du grand public

Résultat, l'e-sport est devenu un véritable phénomène de société et une industrie pesant plusieurs milliards de dollars. Selon le cabinet Newzoo, le marché mondial devrait générer plus de 1,6 milliard de dollars de revenus en 2024, contre 947 millions en 2020. Rien qu'en France, on compte 10 millions de fans et plus de 1000 joueurs professionnels.

Mais le chiffre le plus impressionnant concerne sans doute l'audience. Les plus grands tournois d'e-sport, comme les championnats du monde de League of Legends ou le Major de Counter Strike, rassemblent des dizaines de millions de spectateurs en ligne et des milliers de personnes sur place. De quoi faire saliver n'importe quelle ville en quête de retombées touristiques !

Les villes à l'assaut des geeks

Car qui dit affluence record, dit opportunités économiques en cascade pour les territoires hôtes. Remplir les hôtels, les restaurants, les commerces, les transports... L'équation est vite faite pour les offices de tourisme. En accueillant un événement d'e-sport, c'est toute une manne financière qui se déverse sur la ville le temps d'un week-end.

Ainsi, lors de la finale des Worlds de League of Legends à Paris en 2019, ce sont près de 15 000 spectateurs qui ont investi l'AccorHotels Arena. Avec à la clé 7,6 millions d'euros de retombées économiques directes pour la capitale, selon une étude de Riot Games. Sans compter l'impact sur l'image et la notoriété de la destination, exposée aux yeux des fans du monde entier.

Pas étonnant dès lors que les métropoles se bousculent pour accueillir les plus belles affiches de l'e-sport mondial. Et pas seulement les poids lourds comme Paris, Berlin ou Londres. Des villes moyennes comme Katowice en Pologne ou Jönköping en Suède ont fait des compétitions de jeux vidéo leur fonds de commerce, attirant chaque année des centaines de milliers de visiteurs.

En France aussi, les collectivités locales ont flairé le bon filon. Lille, Lyon, Montpellier, Bordeaux... Toutes cherchent à se positionner comme des terres d'accueil privilégiées pour les gamers et les éditeurs de jeux. Avec à la clé, l'espoir de capter une partie de ce public jeune, connecté et souvent aisé. Le rêve de toute destination touristique !

Investir dans des infrastructures dernier cri

Mais pour séduire la crème de l'e-sport, encore faut-il se donner les moyens de ses ambitions. Car les tournois d'aujourd'hui n'ont plus grand chose à voir avec les LAN parties improvisées d'antan dans des salles des fêtes. Place aux shows grandioses, aux décors futuristes, aux écrans géants et aux projecteurs lasers. Bref, une vraie production digne des plus grands événements sportifs et musicaux.

Pour relever le défi, les villes doivent donc investir dans des infrastructures à la hauteur. Cela passe d'abord par la construction ou la rénovation de salles dédiées, capables d'accueillir des milliers de spectateurs dans des conditions optimales. Confort, visibilité, acoustique, connectivité... Tout doit être pensé pour offrir la meilleure expérience possible aux fans.

C'est le pari de la U Arena à Nanterre, plus grande salle indoor d'Europe avec ses 40 000 places, qui ambitionne de devenir la Mecque de l'e-sport hexagonal. Ou du Zénith de Strasbourg, qui s'est doté d'équipements dernier cri pour attirer les compétitions internationales. Un investissement coûteux (plusieurs dizaines de millions d'euros), mais jugé indispensable pour rester dans la course.

Les villes misent aussi sur des espaces plus intimistes et modulables, dédiés à la pratique amateur et semi-pro. Salles de jeu en réalité virtuelle, gaming centers, espaces de coworking... L'idée est de faciliter l'accès au jeu vidéo compétitif au plus grand nombre et de faire émerger les talents locaux. Une façon aussi de dynamiser les quartiers et de créer du lien social autour d'une passion commune.

Créer un écosystème favorable

Mais avoir de beaux murs ne suffit pas. Pour vraiment devenir des places fortes de l'e-sport, les villes doivent aussi se doter d'un écosystème complet et favorable à son développement. Cela passe par un soutien actif aux acteurs de la filière : clubs, joueurs, éditeurs, start-ups, écoles, associations...

Plusieurs leviers peuvent être activés :

• Des subventions et des appels à projets pour financer les initiatives les plus prometteuses
• Des avantages fiscaux et des facilités d'implantation pour attirer les entreprises du secteur
• La mise à disposition de locaux et d'équipements pour les pratiquants et les clubs
• L'organisation d'événements fédérateurs pour animer la communauté locale

L'enjeu est de créer un terreau fertile pour faire émerger une véritable "scène" e-sportive locale, avec ses figures de proue et ses success stories. Un cercle vertueux qui profitera à l'attractivité globale du territoire.

C'est tout le sens de la stratégie de la Métropole de Lyon, qui a fait de l'e-sport un axe prioritaire de sa politique numérique. Avec à la clé un plan d'actions ambitieux : création d'un cluster dédié, soutien aux start-ups, organisation d'un festival annuel, partenariats avec les acteurs de la formation... De quoi faire de la capitale des Gaules un eldorado pour les gamers.

Autre exemple à Lille, où la municipalité a noué un partenariat avec le club Vitality, l'une des meilleures équipes françaises. Objectif : faire rayonner l'image de la ville à travers les performances de ses joueurs stars, tout en sensibilisant les jeunes aux métiers du jeu vidéo. Une alliance win-win entre l'e-sport et le territoire.

Miser sur l'e-tourisme de demain

Au-delà des compétitions, l'e-sport ouvre aussi de nouvelles perspectives pour le tourisme dit "expérientiel". De plus en plus de fans rêvent en effet de prolonger l'aventure en dehors des tournois, en explorant l'univers de leurs jeux favoris dans la vraie vie. Un potentiel encore largement sous-exploité par les destinations.

Pourtant, les pistes ne manquent pas pour développer un "e-tourisme" novateur et immersif :

• Des visites guidées sur les lieux emblématiques des jeux les plus populaires
• Des escape games et des chasses au trésor inspirées des intrigues vidéoludiques
• Des séjours thématisés autour d'une licence phare, avec activités et hébergements dédiés
• Des parcs d'attractions mêlant réalité virtuelle et décors grandeur nature
• Des festivals mettant à l'honneur la culture geek au sens large : cosplay, manga, science-fiction...

Autant de concepts qui pourraient séduire une clientèle de niche, prête à voyager pour vivre des expériences uniques. Et générer des retombées significatives pour les territoires pionniers.

C'est le pari de la ville de Metz, qui accueillera en 2024 une exposition internationale dédiée à l'art dans le jeu vidéo. Ou de la station des Arcs en Savoie, qui propose des séjours "ski et gaming" pour allier glisse et jeu vidéo. Preuve que l'e-sport a de beaux jours devant lui, y compris dans des lieux a priori éloignés de son univers.

Devenir des villes "gamer-friendly"

Mais pour vraiment transformer l'essai, les villes doivent aller encore plus loin et repenser leur urbanisme et leurs services aux couleurs de l'e-sport. L'enjeu ? Devenir des destinations "gamer-friendly", où les amateurs de jeu vidéo se sentent comme chez eux, que ce soit pour un tournoi ou un séjour de loisirs.

Cela peut passer par des aménagements urbains spécifiques : des espaces publics connectés, des fresques murales inspirées de l'univers geek, des parcours touristiques dédiés... Mais aussi par une adaptation des services et des commerces aux besoins et aux codes de cette communauté : des hôtels équipés de consoles et de PC gamer, des restaurants servant des plats inspirés des jeux, des magasins spécialisés dans le matériel e-sportif...

L'idée est d'intégrer la culture gaming dans le quotidien de la ville et de ses habitants. Un pari audacieux, mais qui pourrait s'avérer payant à l'heure où les frontières entre réel et virtuel s'estompent. Et repositionner les villes comme des lieux de vie et de divertissement incontournables pour les nouvelles générations.

C'est le sens des initiatives menées par certaines métropoles asiatiques, très en avance sur le sujet. À Séoul, la capitale mondiale de l'e-sport, des quartiers entiers sont dédiés à la pratique du jeu vidéo, avec des PC bangs (cybercafés) ouverts 24h/24 et des boutiques proposant les dernières nouveautés. Une immersion totale dans la culture geek, qui attire chaque année des millions de visiteurs.

Conclusion

Alors, l'e-sport peut-il devenir le nouveau moteur du tourisme urbain ? Une chose est sûre, le potentiel est immense pour les villes qui sauront surfer sur cette vague. En misant sur ce secteur en plein boom, elles peuvent espérer attirer une nouvelle clientèle, dynamiser leur économie et renforcer leur image de destinations innovantes et branchées.

Mais la partie est loin d'être gagnée. Car la concurrence est rude entre les métropoles pour accueillir les plus belles affiches de l'e-sport mondial. Et les investissements nécessaires pour développer des infrastructures et un écosystème favorable sont conséquents. Sans parler du défi culturel que représente l'intégration du jeu vidéo dans l'ADN d'un territoire.

Pour réussir leur pari, les villes devront donc faire preuve d'audace, de créativité et de persévérance. En tissant des partenariats étroits avec les acteurs de la filière, en inventant de nouveaux concepts touristiques et en repensant leur aménagement urbain. Un véritable projet de société, qui bouscule nos représentations du tourisme et du divertissement.

Une chose est sûre : l'e-sport n'a pas fini de nous surprendre et de transformer notre façon de voyager. Alors, prêts à embarquer pour une partie de tourisme nouvelle génération ? Game on !

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